Le Cash Railway d’Emporium

Article écrit par Florian de Focus on Magic, merci à lui de contribuer à Secrets Disney avec cet article plein de détails !

Votre visite à Disneyland Paris se déroule à merveille, et, vous décidez de vous offrir un petit souvenir à la boutique Emporium sur Main Street, U.S.A. C’est alors que vous levez les yeux au plafond pour y découvrir un étrange système de poulies et de rails. Mais qu’est-ce donc ?

Vous voilà devant un ancien cousin du tube pneumatique, ou, poste atmosphérique, mais le nom plus connu en anglais est : Cash Railway System. Cela ne vous parle toujours pas ? Le tube pneumatique est un système de transport rapide du courrier, dans des petites cartouches, se déplaçant grâce à la différence de pression dans les tubes.

Le tube pneumatique

Ce lointain cousin fut donc inventé dans les années 1800 par l’ingénieur écossais William Murdoch. Ces systèmes de distribution ont rapidement envahis l’Europe et les États-Unis. Les tubes furent très utilisés sur de grands réseaux afin de transmettre le courrier à une grande vitesse pour l’époque. Paris disposa d’ailleurs d’un des plus grands avec près de 467 km de tubes pour couvrir la ville et la proche couronne. Réseau qui fut d’ailleurs en service jusqu’en 1984 ! De nombreux réseaux privés furent également créés, notamment pour desservir le courrier de grandes entreprises ou dans les hôpitaux. Système qui est d’ailleurs toujours utilisé aujourd’hui pour ces réseaux de petite taille.

L’appareil récepteur et émetteur de tubes pneumatiques utilisé pour la Poste. Collection du musée de la Poste

Les caisses aériennes

Revenons maintenant plus en détails sur le système en place à Emporium. Il ne s’agit donc pas ici de tubes pneumatiques, mais d’un système de caisses aériennes, sur rails, mis en mouvements par un câble suivant le parcours.

A l’époque, les tubes pneumatiques sont donc uniquement utilisés sur les grandes distances. Si de nos jours chaque vendeur dispose de sa propre caisse, il n’était pas rare à l’époque de trouver une caisse centrale. Les grands magasins des États-Unis, pour éviter une trop longue attente en caisse, mais aussi pour dissuader d’éventuels braqueurs, emploient alors les plus jeunes comme « cash boys », pour faire transiter l’argent du client à la caisse centrale, et ainsi rendre la monnaie. Cependant, ce système était peu pratique de par la pagaille que cela pouvait occasionner. Également, ce type d’emploi précaire commença a être décrié à l’heure où les mœurs évoluaient en cette fin du 19ème siècle.

Les rails du Cash Carrier passent à travers le mur pour rejoindre la supposée caisse centrale d’Emporium.

Dans les années 1870, William Stickney Lamson, un marchand de vêtements du Massachusetts, rêve d’un système permettant de sécuriser l’échange de monnaie tout en diminuant le temps passé à attendre pour les clients. Après plusieurs tentatives manuelles, il met au point un système de boules, pouvant renfermer de la monnaie, circulant sur des rails de bois inclinés.

Ce système ne passe pas inaperçu, et vint à l’oreille d’autres commerçants qui commencèrent à copier l’idée. William Stickney Lamson fonde alors une nouvelle société de « Cash Railway ». Nous sommes en 1882.

Intérieur d’une boule Lamson. Catalogue Lamson de 1912, Tony Wolf

Bien que très commode, le cash railway présentait l’inconvénient de prendre de la place, et nécessitait une certaine inclinaison pour que cela fonctionne correctement. Il se met alors en tête d’améliorer son système pour s’offrir un nouveau marché.

La « Cash Carrier Company » développe alors ce qui sera connu après comme le « système Lamson » : De petites boites en bois sont suspendues par des roues sur un câble, et propulsées par un système sur ressort. Le principe présentait une efficacité et une rapidité redoutable, permettant de venir à bout des longues files les jours d’affluence. Nous sommes alors à la fin des années 1880.

Des concurrents se lancent à leur tour dans les caisses aériennes, sans toutefois rencontrer le même succès que William Stickney Lamson. Il continue à améliorer son système, et propose une véritable innovation de par le rachat des brevets d’un inventeur du nom de Robert McCarty : un moteur électrique entraîne alors une série de câbles permettant aux petites boites de couvrir les plus grandes distances toujours plus vite. Situé entre les rails métalliques, le câble arrive aux intersections pour transmettre le mouvement à un autre via un ingénieux système de poulies. Les boites pouvaient alors parcourir les boutiques les plus complexes, étant à l’épreuve des murs, des angles et de l’inclinaison. Les boites sont d’ailleurs parfois remplacées par des paniers métalliques, plus polyvalents. C’est cette dernière version, apparue aux débuts des années 1900, que nous pouvons contempler à Emporium.

Un classique des grands magasins

Le système Lamson par câble, par boule ou sur rails ainsi que ses concurrents sont vite devenus à l’époque un classique des grands magasins américains. Ils font partie de la littérature et des films de l’époque, les boites ayant échangé sans aucun doute, bien plus que de la monnaie entre les différents employés. Cela était même une attraction, pour les petits comme les grands, et donc un bon moyen de rentabiliser cet investissement. Il faut savoir que le système Lamson dominait et couvrait complétement le marché grâce à différentes succursales.

Détail sur un virage et changement de niveau des rails du Cash Carrier d’Emporium

Il semblerait qu’en Europe les systèmes à boules, câbles et rails n’aient pas véritablement percé malgré leur potentiel, hormis la Grande Bretagne qui disposa de quelques exemplaires. Les grands magasins Parisien du Bon Marché ou La Samaritaine leur ont préférés les tubes pneumatiques dès lors qu’ils furent suffisamment accessibles pour des échelles plus réduites, notamment pour le courrier interne.

Vers le milieu des années 1950, la plupart des caisses aériennes sont démantelées et reléguées au rang d’articles de musées. Quelques rares systèmes fonctionnels, à boules ou à fils, subsistent aujourd’hui dans des magasins souvent centenaires. Il semblerait qu’aucun système similaire à celui d’Emporium n’ait malheureusement survécu jusqu’à nous.

Le Cash Railway d’Emporium

Pour la construction de Disneyland Paris, décision fut prise par Eddie Sotto d’installer un système de caisses aériennes dans la boutique Emporium de Main Street, U.S.A.

Le cahier des charges impose le réalisme historique, mais dois également susciter la curiosité des visiteurs. En effet, quoi de mieux les jours de grande affluence que de lever les yeux au plafond en attendant son tour pour découvrir les petits charriots faire des aller-retours aux caisses ?

Les imagineers commencent alors les recherches et entrent en phase de négociations pour l’achat d’un « Cash Carrier » authentique, celui de l’ancien magasin Joyner’s de Moose Jaw, au Canada, qui était alors le seul du même type encore en fonction en Amérique du Nord. Cependant, se pose également la question de la fiabilité et des pièces détachées d’un matériel d’époque. Les négociations s’arrêtent là, et, malheureusement, l’ancien magasin (alors reconverti en antiquaire) et son Cash Carrier seront détruits par les flammes en 2004.

Les petites boites font l’aller-retour via deux rails, et peuvent contourner les obstacles comme ici, la ventilation.
Les grilles sont là pour protéger les paniers du passage d’un ballon gonflé à l’hélium.

Plutôt que d’avoir un appareil bientôt centenaire, ils font alors appel à une entreprise canadienne pour construire un tout nouveau système basé sur le principe Lamson. Comme le but n’était pas réellement de réaliser des transactions financières, mais d’avoir le système en mouvement continu, c’était un bon compromis.

En plus de distraire les visiteurs à l’aide d’une touche historique, l’idée était également d’égayer cette partie d’Emporium en lui donnant une atmosphère plus vivante.

Arrivée des boites du cash-carrier au niveau des caisses d’Emporium

Malheureusement, le système ne fut pas aussi fiable qu’espéré et tombait régulièrement en panne. Disneyland Paris vécut des années économiquement difficiles, et, le budget de la maintenance se réduisant, la réparation du système de caisses aériennes ne fut plus considérée comme prioritaire par rapport à d’autres éléments. Ainsi, le système n’est maintenant plus en fonction depuis quelques années.

Disneyland Paris ayant maintenant renoué avec le succès, on peut espérer une prochaine remise en fonction de cet élément classique des grands magasins américains comme peut l’être Emporium !


Retrouvez Secrets Disney sur TwitterFacebook et Patreon.
Obtenez le livre de La Chasse aux Secrets de Disneyland Paris sur la boutique.

Merci à Eddie Sotto, Executive Designer/Show Producer, lors de la construction de Main Street, U.S.A., pour son témoignage ayant aidé à la rédaction de cet article.

Laisser un commentaire